CE, ord., 26 juillet 2017, n° 412618


Dès lors qu’une prise en charge thérapeutique est assurée par l’hôpital, il n’appartient pas au juge des référés de prescrire à l’équipe médicale que soit administré un autre traitement que celui qu’elle a choisi de pratiquer à l’issue du bilan qu’il lui appartient d’effectuer.


Il s’agit en l’espèce d’un litige relatif au choix d’administrer un traitement plutôt qu’un autre, au vu du bilan qu’il appartient aux médecins d’effectuer en tenant compte, d’une part, des risques encourus et, d’autre part, du bénéfice escompté.
Des parents d’un enfant de 11 ans en récidive de leucémie contestent la décision de refus de pratiquer le traitement par chimiothérapie curative sur leur fils, prise par le personnel médical du CHU de Montpellier le 6 juillet 2017. Ils considèrent que ce refus constitue une atteinte grave et manifestement illégale à une ou plusieurs libertés fondamentales et demandent notamment à la juridiction administrative d’enjoindre au CHU de Montpellier de mettre en place le protocole en vigueur de chimiothérapie curative au profit de leur fils sans délai, et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l’ordonnance.
Le refus du CHU de Montpellier d’engager, à ce stade, une chimiothérapie intensive à visée curative se fonde sur trois considérations : ce traitement est contre-indiqué, compte tenu des séquelles neurologiques de l’encéphalite herpétique dont a souffert l’enfant et des effets délétères des produits neurotoxiques qui devraient lui être injectés ; par ailleurs, l’état d’agitation du patient rend techniquement difficile, eu égard au risque d’arrachage des perfusions et de nécroses cutanées subséquentes, la réalisation d’un traitement intensif dont l’efficacité suppose qu’il soit mené jusqu’à son terme ; enfin, l’objectif poursuivi par ce traitement, qui consiste en la réalisation d’une allogreffe de moelle épinière en cas de rémission complète, n’est en tout état de cause pas susceptible d’être atteint au vu de l’état actuel de l’enfant. Les conditions requises pour la réussite d’une greffe ne sont pas remplies en l’absence de coopération envisageable avec le patient et eu égard aux risques graves qu’elle ferait courir à celui-ci. 
Le CHU de Montpellier, soutenu par les équipes hospitalières de Nice et de Marseille, a déduit de l’ensemble de ces éléments qu’une chimiothérapie curative ne constituait pas le traitement le plus approprié, compte tenu de la très forte probabilité de son inutilité, et des grandes souffrances ainsi que des risques élevés qu’il entraînerait. Il a donc opté, contrairement à ce que demandait le père de l’enfant, pour un traitement palliatif (corticothérapie, chimiothérapie palliative orale et hydratation) visant à contrôler la maladie. Ce traitement a permis une stabilisation du nombre des cellules leucémiques et donne lieu à un suivi régulier conduisant à son adaptation et reste susceptible d’être infléchi au vu des évolutions constatées. 
Le choix du traitement administré à l’enfant résulte de l’appréciation comparée, par les médecins du CHU de Montpellier, des bénéfices escomptés des deux stratégies thérapeutiques en débat ainsi que des risques, en particulier vitaux, qui y sont attachés. 
Dans ces conditions et dès lors qu’une prise en charge thérapeutique est assurée par l’hôpital, il n’appartient pas au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’une demande tendant à ce que soit ordonnée une mesure de sauvegarde du droit au respect de la vie garanti par l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de prescrire à l’équipe médicale que soit administré un autre traitement que celui qu’elle a choisi de pratiquer à l’issue du bilan qu’il lui appartient d’effectuer.

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