CE 16 juillet 2021, n° 434254

Un maire ne peut prendre un arrêté prohibant, comme étant de nature à porter par soi-même atteinte à l'ordre public, le seul fait de laisser plus de deux chiens stationner, même temporairement, sur la voie publique, ainsi que, de manière générale, le fait pour un groupe de plus de trois personnes d'émettre des bruits de conversation et de musique « audibles par les passants », sans en préciser la durée ni l'intensité.

Le maire de de Saint-Etienne avait, en octobre 2015, pris un arrêté « portant code de la tranquillité publique » aux termes duquel était interdite du 16 octobre 2015 au 15 janvier 2016, sauf autorisation spéciale, toute occupation abusive et prolongée de certaines rues et autres dépendances domaniales , accompagnée ou non de sollicitations à l'égard des passants, lorsqu'elle était de nature à entraver la libre circulation des personnes, ou bien de porter atteinte à la tranquillité, au bon ordre et à l'hygiène publics. L’arrêté définissait également les comportements troublant l'ordre public. Il s’agissait notamment de la station assise ou allongée lorsqu'elle constitue une entrave à la circulation des piétons ou une utilisation des équipements collectifs de nature à empêcher ou troubler un usage partagé, le regroupement de plus de deux chiens effectuant une ou plusieurs stations couchées sur la voie publique, les regroupements de plus de trois personnes sur la voie publique occasionnant une gêne immédiate aux usagers par la diffusion de musique audible par les passants ou par l'émission d'éclats de voix… (art. 1er). L’article 2 de l’arrêté interdisait pour la même période et dans le même secteur géographique la consommation de boissons alcoolisées et l’article 4 interdisait, également pour la même période, sur tout le territoire communal, la fouille des poubelles aux fins de chiffonnage et de récupération des déchets.

L'association Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen avait alors saisi le tribunal administratif et demandé l’annulation de ces articles. Seul l’article 2 relatif à la consommation de boissons alcoolisées avait été annulé par le tribunal. La cour administrative d’appel avait ensuite rejeté l’appel de l’association.

Le Conseil d’État, eu égard aux moyens du pourvoi de l'association requérante décide qu’elle doit être regardée comme demandant l'annulation de l’arrêt de la CAA en tant seulement qu'il rejette sa demande d'annulation du jugement en tant que celui-ci rejette ses conclusions dirigées contre l'article 1er de l'arrêté du maire de Saint-Etienne.

Les juges du Palais Royal annulent ainsi l’article 1er. En effet, « les mesures ainsi édictées par l'arrêté litigieux pour une durée de trois mois, sans aucune limitation de plage horaire et tous les jours de la semaine, dans un vaste périmètre géographique correspondant à l'ensemble du centre-ville de la commune, doivent être regardées, alors même que la commune de Saint-Etienne invoque une augmentation de la délinquance et des incivilités dans son centre-ville, comme portant, du fait du caractère général et absolu des interdictions ainsi prononcées, une atteinte à la liberté personnelle, en particulier à la liberté d'aller et venir, qui est disproportionnée au regard de l'objectif de sauvegarde de l'ordre public poursuivi ».

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