CAA Douai, 3 février 2022, n° 20DA02055

Un maire mis en cause pour faits de harcèlement moral ne peut légalement, sans manquer à l'impartialité, se prononcer lui-même sur la demande de protection fonctionnelle d’un des agents de la commune.

Un technicien principal territorial d’une commune a demandé au maire de lui accorder la protection fonctionnelle à raison de faits de harcèlement moral dont il estimait être victime, notamment de la part du maire lui-même, dans le cadre de ses fonctions. Toutefois, le maire a rejeté sa demande. Le technicien principal avait alors saisi le tribunal administratif qui n’a pas fait droit à sa demande.

La cour administrative d’appel vient d’annuler ces décisions.

En l’espèce, cet homme a, notamment, fait l'objet de remarques véhémentes de la part du maire au cours d'une réunion publique. Il a également connu plusieurs changements d'affectation en quelques années, notamment sur des postes ne comportant pas de fonctions d'encadrement. Il a en outre fait l'objet d'une suspension de ses fonctions alors qu'il a été victime d'une agression et qu'il s'est vu reconnaître un accident de service pour une tentative de suicide survenue sur son lieu de travail.

Ces éléments de fait, qui mettent en cause notamment le maire de la commune sont insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

« Il résulte du principe d'impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l'autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné. »

En effet, c’est normalement le maire qui est compétent pour accorder la protection fonctionnelle (CGCT, art. L. 2122-18). Or si des faits de harcèlement moral le concerne personnellement et qu’il existe des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement, le maire se trouve en situation de ne pouvoir se prononcer sans méconnaître les exigences qui découlent du principe d'impartialité, et il lui appartient alors de transmettre la demande de protection fonctionnelle à l'un de ses adjoints ou à l'un des conseillers municipaux.

Le technicien principal territorial était donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire lui a implicitement refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral. Toutefois, la cour administrative d’appel précise que le motif d'annulation retenu n'implique pas nécessairement que la commune accorde la protection fonctionnelle : l'appelant est seulement fondé à demander qu'il soit enjoint à la commune de réexaminer sa demande.

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