TA Nice, ord., 4 mars 2021, n° 2101086

En interdisant l’accès à des associations humanitaires des locaux où sont retenus des étrangers, le préfet des Alpes-Maritimes a porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté d’aider autrui dans un but humanitaire.

Depuis 2017, la police aux frontières a mis en place, à Menton, sur la frontière intérieure séparant l’Italie de la France, des locaux aménagés attenants au poste de police destinés à accueillir les étrangers susceptibles de faire l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire et d’une et d’une remise aux autorités italiennes, pour le temps présenté comme nécessaire à l’examen de leur situation. L’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers et médecin du monde demandent un accès à ces locaux où de nombreuses personnes sont retenues et sont munis de système de fermeture et de surveillance vidéo. Les personnes retenues sont mises dans l’impossibilité d’en partir librement. À titre d’exemple, depuis le début de l’année 2021, 87 personnes y sont « mises à l’abri » chaque jour, notamment entre 19h00 et 8h00.

Le préfet des Alpes-Maritimes n’a pas permis à ces associations humanitaires d’assurer leurs missions d’assistance médicale, juridique et administrative à des personnes dans un état d’extrême vulnérabilité qui sont retenues dans des constructions modulaires attenantes aux locaux de la police aux frontières. Elles font valoir que ce refus de tout accès à ces locaux pour toutes les associations fait obstacle à l’exercice de leur liberté de venir en aide dans un but humanitaire aux personnes détenues, qu’il porte une atteinte grave et immédiate, à leurs intérêts qui relèvent d’intérêts publics et à diverses libertés fondamentales desdites personnes.

Selon le juge des référés du tribunal administratif de Nice, « l’existence même des locaux aménagés attenants ceux de la police aux frontières de Menton pont Saint-Louis, et destinés à accueillir les étrangers susceptibles de faire l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire et d’une remise aux autorités italiennes, au regard des objectifs poursuivis de mise à l’abri dans l’attente des vérifications à opérer et de remise éventuelle aux autorités italiennes, ne caractérise pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale », il en va différemment du refus du préfet des Alpes Maritimes d’autoriser l’accès aux diverses associations requérantes. Cette décision préfectorale porte une « atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté d’aider autrui dans un but humanitaire, liberté qui comporte celle de s’assurer que les libertés fondamentales des personnes « mises à l’abri », dont le droit d’asile, la liberté individuelle, la sureté et la dignité humaine, soient respectées ».

En conséquence, le juge des référés du tribunal administratif enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de prendre une nouvelle décision autorisant l’accès ponctuel aux locaux attenants à ceux de la police aux frontières de Menton pont Saint-Louis au bénéfice des associations requérantes.

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